C’est une tradition qui se tient au plus froid de l’hiver, un rite empreint de codes et de respect.
Cette bête-là, ce n’est pas pour la rigolade qu’on va la tuer et la transformer. C’est pour manger. Ici, on ne mange pas les cochons pour le folklore ou parce qu’on aime bien la ventrèche au poivre, non. Non, ces cochons-là, ils vont nourrir la famille pendant l’année qui vient. On ne rigole pas avec ça, ici. Simplicité évidente de paysan.
La parole retenue le temps de la mise à mort est maintenant libérée. On commence par faire le tour de tous les humains du voisinage. Attention, ce ne sont pas des ragots, des cancans, des on-dit. C’est une opération de maintien du lien, de rapprochement des âmes. On n’ira pas jusqu’à donner un bon coin à champignons, mais on est généreux dans le Gers, on s’occupe des uns des autres. On parle politique un peu, voisinage beaucoup, rugby passionnément, paysannerie pas mal, mais le centre de tout c’est l’humain. Francis est un peu chafouin, il ne voit pas vraiment la relève pour le cochon. Il a peur que son savoir-faire se perde, lui qui a appris avec ses grands-pères et qui aurait bien aimé raconter et passer ses couteaux à un plus jeune.
Le cochon, c’est de la viande mais c’est aussi de la cuisine. On apporte des légumes pour le pâté de tête qui va cuire des heures avec des légumes dans la casserole. Francis découpe, nettoie, détaille, dégraisse, enroule, frotte au sel, frotte au poivre, ficelle, emmaillote et ficèle encore. Ici on ne gaspille pas, tout a de la valeur. Puis vient l’heure du séchage. La maturation va donner à toute cette viande son incroyable saveur. Les cochons de la veille sont transformés, les hommes fatigués mais contents.
À la santé des cochons, à la santé du Gers et à la santé de l’amitié !
Texte : Rémi Chaurand